Préparer son départ pour la Thaïlande

Article : Préparer son départ pour la Thaïlande
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5 février 2014

Préparer son départ pour la Thaïlande

(Article écrit en février 2014)

Ça y est, vous avez vos billets d’avion, première étape d’un long mois de préparation. A commencer par une interminable attente dans le hall de l’ambassade thaïlandaise à Bruxelles, sorte de sas de décompression conjuguant une vue sur pluie belge et la précision approximative des administrations thaïlandaises, représentée par une autochtone lymphatique qui, il faut le souligner, a la diplomatie de ne parler ni le français, ni le flamand, pour ne froisser aucune communauté très certainement.

Mais l’idée même de passer du pays du soupir à celui du sourire vous réjouit d’avance, et j’en veux pour preuve cette obsession de tout futur thaïlandais, qui consiste à regarder de manière névrotique, chaque jour, la météo de sa destination finale durant les trois mois précédent son départ. Et pendant ces trois mois, il y eut toutes sortes de temps. Les moussons incessantes s’abatant sur la pays firent perdre toute crédibilité à votre statut autoproclamé de réfugié climatique, ne pouvant pas vivre une vie sereine la vue sans cesse opacifié par un parapluie dégoulinant sur des chaussures à peine étanches.

Ce fut ensuite le froid qui tua plusieurs personnes dans le nord du pays. Il faut dire qu’à la vue de ces images de villageois autour d’un feu en tong et en short, on peut penser… eh bien on peut penser qu’il faudrait noter dans sa checklist d’obsessionnel d’apporter un gros manteau, une couette, un radiateur portable solaire Nature et Découvertes, des chaussettes de ski et un appareil à raclette pour passer les trois nuits de l’année qui descendront en dessous de 10 degrés, parce qu’après tout si vous partez en Thaïlande, ce n’est tout de même pas pour vous les geler. Et là, le « tas des choses à apporter » envahit votre entrée.

Mais le problème de tout expatrié fauché qui part trop loin pour emmener sa clio pleine jusqu’au toit, n’étant par ailleurs pas rassuré par le trajet imposé par Google Map, proposant une traversée découverte de l’Iran, du Pakistan et de la Birmanie, et pas assez fou pour faire subir un voyage épique en container à une armée de meubles Ikea mal montés, son problème, c’est qu’il lui convient donc de faire tenir dans une valise toute sa vie. Des vêtements, des livres et films en français, parce que vous n’êtes pas encore parti mais vous en avez déjà marre d’entendre thaï, de lire thaï de manger et boire thaï, alors vous aimeriez bien rajouter une ou deux bouteilles de vin, du saucisson, un hamac, quatre paires de tongs, trois paires de chaussures, une pour sortir, une pour travailler, une pour le dimanche, et vous devez y rajouter les recommandations sanitaires d’un médecin mi-parano mi-prosélytiste, à savoir une moustiquaire, ou deux de tailles différentes, quinze boites de médicaments, puisque les dix vaccins que vous avez reçus, dont certains contre des maladies éradiquées du temps de vos grands-parents ne suffiront pas à survivre en ce milieu hostile. Vous vous étonnez alors de la stabilité démographique de ce pays, alors même que l’habitat naturel de ses indigènes est si éloigné de l’institut Pasteur de Paris. Mais comment font-ils pour lutter contre la rage, la dengue, l’encéphalite japonaise… et mourir de froid si près des tropiques ?

Mais à écouter vos proches, à lire les forums, le choléra n’est pas le seul mal qui vous guète. Non le danger qui obsède tous les téléspectateurs de M6, c’est la Femme. Quand certains s’inquiètent de savoir si vous apporterez assez de « protections » du vieux continent, vous rappelant le pourcentage de femmes contaminées par le VIH et la moindre fiabilité à leurs yeux de tout objet acheté en Asie, d’autres encore vous mettent en garde sur la difficulté à identifier le sexe de votre interlocuteur, ou sur l’obsession présumée des femmes thaïlandaises à se marier pour venir vivre en Europe. Lorsque l’on voit que le pronostic vital de l’individu thaïlandais mâle est engagé à 5 degrés, j’émets des doutes sur les capacités tant physiques que psychiques de ces femmes à passer un hiver en Pologne, en Suède, ou en Flandre occidentale. Bref, dans l’esprit de vos proches, il y a deux catégories de personnes en Thaïlande : les prostituées, et les hommes. Vous tentez donc de leur expliquer que vous partez travailler à Mae Sai, et pas faire la tournée des bordels de Pattaya, mais rien n’y fait. Vous partez en Thaïlande, ce pays si immoral à leurs yeux.

Vous n’êtes pas encore parti, mais vous avez déjà peur de mourir de la lèpre dans d’atroces souffrances, et de ne pas être pris en charge à cause d’une petite ligne écrite à la fin de votre contrat d’assurance de 34 pages, que vous n’avez d’ailleurs pas choisi pour la qualité de sa couverture, mais parce que c’était le seul que vous ayez à peu près compris. Vous savez également que vous n’allez parler à aucune femme sur place, ni à aucun homme d’ailleurs parce qu’on vous a bien dit de vous méfier de tout et de tout le monde.

Bref vous resterez cloîtré chez vous un an durant. Votre vie sera un enfer et vous n’espèrerez qu’une chose, rentrer vivant du pays du sourire.

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