Législatives: une campagne numérique dans la circonscription du bout du monde
À l’étranger aussi, les Français ont voté pour élire leurs députés. J’ai eu la chance de me retrouver au cœur de cette aventure électorale en m’occupant des réseaux sociaux pour Anne Genetet, candidate La République En Marche! pour la 11ème circonscription des Français de l’étranger.
Je vois déjà poindre les critiques : « le type utilise son blog pour faire la promo de sa candidate mine de rien ». Pas du tout !
En réalité, le parti que je soutenais n’a pas vraiment d’importance, ce que je voudrais avant tout, ce n’est pas vous convaincre, mais vous entrouvrir les coulisses d’une campagne vraiment pas comme les autres.
Une circonscription de 49 pays !
La 11ème circonscription n’est pas n’importe quelle circonscription. C’est la plus grande au monde ! Elle s’étale de l’Ukraine à la Nouvelle Zélande, sur trois continents différents, et compte 49 pays séparés d’Est en Ouest par 9 heures de décalage horaire. Et ces pays sont tous différents. De l’Afghanistan à l’Australie en passant par le Japon, la Corée du Nord ou encore la Papouasie Nouvelle-Guinée, difficile de convaincre à la fois les retraités de Pattaya, les familles franco-nipponnes de Kyoto et les entrepreneurs de Singapour.
Impossible donc de faire campagne de la même manière que dans une circonscription française. Imaginez un peu, en quelques semaines à peine, aller tracter dans un marché de Pékin ou sur une plage de Phuket en espérant croiser un compatriote indécis !
Une équipe de télécampagne aux quatre coins du monde
Notre équipe de campagne elle aussi était éclatée sur toute la circonscription. Avec un directeur de campagne en Papouasie Nouvelle-Guinée, une candidate basée à Singapour qui changeait de pays presque tous les jours, des responsables à Paris, à Taïwan, au Japon, en Australie, en Inde, en Chine, en Russie, et moi même au Cambodge, nous avons dû nous adapter, réinventer la manière dont fonctionne une équipe de campagne, flexibiliser nos horaires pour braver les décalages horaires et introduire une forte dose de télétravail dans l’univers traditionnellement un tantinet réac de la politique.
Une campagne très connectée
Certes les candidats ont multiplié les déplacements, tenu des réunions publiques dans les ambassades ou autres Alliances Françaises, mais il est impossible de couvrir en un mois les centaines de villes dans lesquelles résident ces Français du bout du Monde.
Pour s’adresser aux électeurs, tous les candidats ont dû faire preuve d’un brin de modernité et mener une cyber-campagne, sur Facebook, sur Twitter, en organisant des télémeetings en visioconférence dans plusieurs pays à la fois. Les likes et les shares ont remplacé les tracts, le site du Petit Journal, bien connu des expatriés du Monde entier, a remplacé France Télévision et les faux profils sur les réseaux sociaux ont remplacé les colleurs d’affiches parfois sans foi ni loi.
Les horaires de publication, pourtant stratégiques, tenaient parfois du véritable casse-tête. Imaginez un peu vous adresser à une population dont une moitié se lève à l’heure où l’autre se couche !
Autre souci pour se faire entendre dans un territoire aussi diversifié : la question de l’accessibilité. En Chine, où Facebook est interdit, au Myanmar où il est difficile de trouver une connexion de qualité, à Pondichéry en Inde, où beaucoup de nos concitoyens sont des binationaux dont certains ne savent ni parler ni lire le français, il a fallu s’adapter, trouver des relais auprès des comités locaux.
Respecter la Loi française à l’Étranger
Lorsque l’on mène une campagne française dans des pays étrangers, certaines règles du code électoral deviennent parfois compliquées à saisir.
Ce fut le cas par exemple de la trêve électorale, censée commencer à minuit le vendredi soir précédant chaque scrutin, sans préciser clairement le fuseau horaire que l’ensemble de l’équipe est censé respecter.
Ce fut également parfois le cas sur la question de la presse en langues étrangères. Ici, pas de matinale chez Jean-Jacques Bourdin, mais plutôt des interviews pour le Times of India ou la radio australienne ABC.
Difficile de relayer les bonnes critiques faites à votre candidat lorsque celles-ci sont faites par des médias non-francophones et que l’équipe de campagne n’a pas l’autorisation de s’adresser à ses électeurs dans une autre langue que celle de Molière, ni même d’utiliser des drapeaux dans ses communications.
Les Français de l’étranger réinventent la politique
Faire de la politique lorsque l’on est élu par les français de l’étranger, surtout dans la 11ème circonscription, ce n’est pas comme représenter les habitants d’une région, ni même d’un pays. Il s’agit de faire remonter les problématiques de Français qui sont minoritaires là où ils vivent. Comprendre les tracas des sept électeurs français vivant en Corée du Nord (eh oui, même eux ont le droit de voter, via la Chine), ce n’est pas comme tenter de faire cohabiter au mieux les Français d’une circonscription bretonne ou parisienne.
Tout comme les nomades digitaux réinventent le travail, tout comme les expatriés réinventent leur rapport à leurs proches et à leur famille, les Français du bout du monde sont un laboratoire pour réinventer la démocratie et le rapport au politique, en s’affranchissant des frontières, en faisant travailler ensemble des personnalités totalement différentes sur la défense d’idées plutôt que de territoires ou de fiefs.
Commentaires