Un blogueur sachant bloguer doit savoir bloguer sans candeur
Tonton Somwang tient à s’excuser devant sa dizaine, que dis-je, sa quinzaine de lecteurs, de ne pas lui avoir donné de nouvelles depuis tant de temps. Étais-je trop occupé ? N’avais-je pas le cœur à vous écrire ? Que nenni.
J’aimerais tant vous dire que je suis de retour pour vous conter de nouvelles aventures. Mais non. Si je vous écris ce soir, c’est pour vous annoncer que je n’ai rien à vous dire ! J’ai perdu ma candeur, j’ai perdu mes humeurs, j’ai perdu mon âme de blogueur.
La réalité, c’est qu’à trois pâtés de maisons ou à 10.000 kilomètres de chez papa-maman, que l’on soit sédentaire ou nomade, une vie sans doute, sans suspens, sans risque et sans danger en devient chiante, autant à vivre qu’à raconter. Pardonnez-moi donc de ne pas vous décrire mon quotidien avec tant de détails.
Lorsque l’exotique devient banal, il n’a plus la même saveur. Il ne provoque plus la même excitation, la même curiosité. Quand vient la routine disparaissent la naïveté, la candeur et le besoin de partager qui les accompagnent.
Je remarque souvent ce phénomène chez les blogueurs expatriés, condamnés, parfois parce qu’ils en ont fait leur gagne-pain, à se forcer à avoir une vie passionnante et à en rendre compte à leurs lecteurs. Je suis terrifié à l’idée de tomber dans les travers blasés du blogueur de voyage professionnel. J’ai peur de me sentir obligé pour remplir les 42 blogs que j’ai créés sur un coup de tête pour vous présenter les 7 plus beaux temples d’Angkor, la liste non-exhaustive des plages les plus calmes de Phuket ou encore un top 10 des bordels les moins chers de Bangkok. J’ai peur de tomber dans cette facilité qui consisterait à me transformer en « guide local », en donneur de conseils et de leçons, en connaisseur. J’exècre les connaisseurs. Ils n’ont aucune candeur !
J’ai peur aussi de me forcer à raconter un quotidien qui n’est pas le mien, à travestir la réalité pour vous vendre du rêve, à vous faire voir non sans arrogance ma vie d’expat nanti et bronzé à travers un filtre Instagram.
Car au fond, là est la véritable question. Qu’est-ce qu’un blogueur ? A quoi sert un blog ? A donner son opinion ? A quoi bon ? A informer, voire à « réinformer » comme diraient les conspi ? A raconter sa vie à qui voudra bien l’écouter, à flatter son ego ou au contraire à s’imaginer tel que l’on pourrait être ?
Pourtant, j’en ai vécu des aventures ces derniers mois. J’ai erré de villes en pays et d’hôtels en condominiums à la recherche d’une terre d’accueil pour notre couple aux passeports si incompatibles.
J’ai aussi fait des rencontres. De très belles rencontres. A Bangkok, je me suis reconstitué un petit clan, très hétéroclite, très international. Il y a Vincent, mon collègue français avec qui je déjeune rituellement une fois par semaine pour parler politique, Mauricio le photographe suisse, suivant sa femme, diplomate, aux quatre coins du monde, Claire la quadra mondaine de Séoul, une ancienne gérante de clinique de chirurgie esthétique vivant je ne sais pour quelle raison à l’année dans un luxueux hôtel de la capitale thaïlandaise, Mademoiselle Park l’ado nord-coréenne surdouée qui semble autant méfiante que fascinée par nos échanges, Redge le touchant militaire à la retraite depuis peu, ou encore Michael, un jeune iranien travaillant comme modèle pour des agences de mannequinat en attendant son visa pour rejoindre son père installé en Australie avec sa mère, une discrète archéologue de Téhéran. Toutes ces personnes et bien d’autres enrichissent mon quotidien, mes réflexions, ma vision du monde.
Professionnellement aussi, ma vie a basculé il y a un an maintenant, lorsque j’ai rejoint l’équipe d’Anne Genetet, députée des Français de l’étranger, très branchée « mobilité ». L’aventure est exceptionnelle. Il est difficile de mettre des mots dessus. Et quel rapport avec ce blog ? Peut-être est-il temps de bloquer le nom de domaine papiersdelassembleenationale.mondoblog.fr ? Peut-être est-ce un peu long. Peut-être le format blog est-il trop restrictif. Pourquoi se cantonner à parler d’un sujet ? Pourquoi se sentir obligé de rédiger un long billet alors qu’un tweet ou quelques mots écrits au crayon de bois sur une serviette en papier dans un Starbucks suffiraient à exprimer n’importe quelle émotion, qu’importe si personne ne les lit ?
En réalité, j’écris souvent, énormément. Mais j’appuie tout autant sur la touche « supprimer » que sur toutes les autres aspérités de mon clavier. J’aime écrire. J’aime les mots, les sons, les touches de mon clavier azerty, vestige de ma Francophonie. J’aime même parfois, non sans un certain narcissisme dont je me sens coupable, relire mes propres mots, ceux que je me suis écrits, sans savoir si quiconque les lira.
Mais voilà aujourd’hui, je n’ai rien à vous dire !
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