Déménager en Thaïlande

Article : Déménager en Thaïlande
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3 février 2016

Déménager en Thaïlande

Ce matin n’est pas un matin comme les autres, car aujourd’hui tonton Somwang dé-mé-nage !

Est-ce par antipathie pour mes voisins expatriés, alcooliques et tonitruants, que j’ai voulu quitter le quartier crado de la gare de Chiang Mai ? Les contrôles répétés de certains sous-gradés en quête de quelques deniers de visages pâles les veilles de jour de paye m’ont-ils agacés au point de vouloir fuir ma barre d’immeuble décrépie ?

Rien de tout cela. Si je déménage, c’est parce que mon indigène de chère et tendre s’est vue attribuer un nouveau poste à la campagne, loin du ballet incessant des tuk-tuks et des vendeurs de fausses Ray Bans à la sauvette, loin des restaurants pour touristes dans lesquels le moindre repas coûte le salaire journalier d’un serveur, loin des murs, barrières et péages séparant l’homme de la nature, transformant la moindre cascade ou montagne en Disneyland pour bobos amateurs de selfies bucoliques.

Non ce matin je pars vivre dans la vraie Thaïlande, celle des traditions, celle de la nature presque préservée, non pas par un militantisme écologique effréné, mais par le peu d’intérêt porté aux environs par la population locale. Il faut dire que les associations écologistes ne sont pas légion ici. J’ai parfois l’impression que la vie associative de la ville se limite à une flopée d’ « écoles » dans lesquelles des routards en manque de sens sont prêts à payer pour avoir le privilège d’enseigner durant quelques jours la langue de Shakespeare, confortant ainsi quelques bailleurs américains bien pensants dans leur idée que l’on juge le niveau de développement d’une population à sa capacité linguistique à regarder Fox News.

Mais ce matin, je laisse derrière moi le tumulte du tourisme, ses joies, ses beautés, ses solidarités et ses travers. Ce matin je pars à la campagne.

Et trouver une maison à la campagne en Thaïlande est certainement l’une des choses les plus simples au monde. C’en fut presque déconcertant pour mon esprit européen étriqué, habitué à chacun de mes déménagements aux sueurs froides, aux mythos bien préparés et aux visites groupées à quinze dans une chambre de bonne. Je m’étais donc apprêté à défendre mon cas, à expliquer au pingre propriétaire en face de moi que j’étais écrivain, plaidant l’erreur de traduction, ne sachant pas dire « blogueur » en thaïlandais, et préférant secrètement être vu comme un richissime auteur à succès que comme un geek fauché accroché à son clavier dans l’espoir mal dissimulé de faire marrer ses dix lecteurs réguliers à la parution trimestrielle d’un article aussi peu informatif que lucratif. Bref, tous ces questionnements n’auront en fait servi à rien. Ici pas de dossier, pas de fiche de paie, pas de CDI ni même d’état des lieux.

Si seulement trouver un appartement pouvait être aussi simple partout ailleurs dans le monde !

Mais il ne faut pas croire pour autant que les thaïlandais trouvent facilement un logement qui leur sied. Très superstitieux, ils s’assurent avant tout que leur nouvel habitat ne sera pas déjà investi par de méchants esprits. Pour être honnête avec vous, je n’ai pas tout à fait compris le concept, mais les esprits en Thaïlande, qu’ils soient bons, mauvais (certes, c’est une manière assez dichotomique d’envisager les choses), malins ou grincheux, sont présents partout. Vivre avec un thaïlandais ou une thaïlandaise, c’est donc passer à coté de beaucoup d’opportunités immobilières jugées à l’instinct comme étant mal fréquentées dans l’au delà. Mais après quelques désenchantements, nous avons trouvé une maison répondant aux critères ésotériques de ma ghostbuster de moitié, qui tout de même par prudence s’est empressée d’offrir en sacrifice à nos nouveaux colocataires quelques fruits et bâtons d’encens. Est-ce par manque d’appétit ou parce que nous avions oublié d’enlever le cellophane qui recouvrait les fruits (les thaïlandais adorent le plastique) que les esprits ont préféré ne pas dévorer le festin ? Heureusement que tonton Somwang était là pour grignoter les restes…

Une fois installé dans mon nouveau havre de paix, quel ne fut pas mon plaisir de profiter entre deux coups de klaxon des douces mélodies de la faune environnante, des aboiements de chiens errants aux piaillements de la famille pigeon qui a élu domicile au dessus de mon lit, le tout sur fond de musique pop coréenne et dans une fumée noirâtre de déchets agricoles enflammés.

Ah la campagne, quel bonheur !

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