Quand le Premier ministre thaïlandais se prend pour Cameron

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Quand le Premier ministre thaïlandais se prend pour Cameron

Ça y est c’est l’été, les arbres sont en fleurs, les Européens fêtent la musique ou prennent l’apéritif en terrasse à la lueur d’un jour qui n’en finit pas tandis que l’Asie du Sud-Est souffle un peu et s’extasie devant des couchers de soleil multicolores reflétés par les premières moussons. Mais l’été, c’est aussi la saison des référendums. Après le Royaume-Uni qui a voté en faveur du Brexit, après la Loire-Atlantique qui a voté pour la construction de l’aéroport de Notre-Dame des Landes, ce sera bientôt au tour de la Thaïlande de s’exprimer.

Non l’objet du vote n’est pas l’accélération ou non du projet de l’ASEAN, qui ne verra en fait sûrement jamais le jour tant les nationalismes asiatiques sont exacerbés, et tant aucun des pays concernés ne semble vouloir concéder le moindre fragment de souveraineté.

Le 7 août 2016, les Thaïlandais seront amenés à voter pour ou contre un projet de constitution très cher au premier ministre autoproclamé Prayuth Chan-O-Cha.

En bref, Prayuth, c’est ce général en colère qui avait renversé le gouvernement (très contesté mais élu) de Yingluck Shinawatra qui peinait à gérer les tensions parfois violentes qui secouaient le Royaume. Si la nouvelle du coup d’État avait été reçue de manière mitigée par la population qui demandait souvent un retour à la sécurité, le détricotage de la démocratie qui s’en est suivi a semé le trouble au sein de la classe politique thaïlandaise et dans les relations diplomatiques du pays, notamment avec l’Occident.

Tout a commencé par un contrôle musclé de la presse, laissant entrevoir une période funeste pour la liberté d’expression. S’en sont suivis sa nomination par ses propres hommes en tant que premier ministre civil quelques jours avant de prendre sa retraite militaire, puis l’organisation, plus de deux ans après sa prise de pouvoir annoncée comme provisoire, d’un référendum pour valider ou non un nouveau projet de constitution.

Loin de moi l’idée de donner mon opinion ou un quelconque éclairage sur des questions de droit constitutionnel thaïlandais. Mon propos porte surtout sur la méthode. Car très enthousiaste de présenter son nouveau projet de constitution au peuple thaïlandais, Monsieur Chan-O-Cha s’est lancé dans une grande campagne, d’ « information », mettant au travail le monde universitaire et médiatique pour annoncer la bonne nouvelle.

Comme un air de campagne et de retour du débat démocratique donc, mais qui ne fût que de courte durée. Car devant les pulsions expressionnistes de certains extrémistes de la démocratie, le gouvernement des treillis libertophobe a eu une idée formidable : interdire toute forme d’expression ayant pour but d’influencer le vote des thaïlandais. En d’autres termes, la junte a inventé les élections pour lesquelles il est interdit de faire campagne. La peine encourue est de dix années d’emprisonnement.

Un moyen efficace donc de ne pas se laisser influencer et de ne voter qu’à la lueur des explications éclairées et impartiales du rédacteur de ladite constitution. Une sorte de « Démocratie pour les nuls » à la sauce orientale.

Mais la petite phrase qui a défrayé la chronique cette semaine dans le microcosme des expatriés de Bangkok, c’est cette déclaration du premier ministre qui à la suite des résultats du vote pour le Brexit a signifié « je ne suis pas Cameron », affirmant par là qu’il ne démissionnerait pas s’il était désavoué le 7 août.

Outre le fait que l’ancien général se compare allègrement au premier ministre de la cinquième puissance économique mondiale, membre de l’OTAN et du G7 bénéficiant d’un droit de véto au Conseil de sécurité des Nations Unies, il compare surtout son action politique à une démocratie. Car si David Cameron a décidé de démissionner après avoir été désavoué par le peuple britannique, c’est avant tout parce que la légitimité de son action politique lui venait des urnes.

Est-il donc nécessaire de rappeler à Monsieur Chan-O-Cha qu’il n’est pas arrivé au pouvoir par le vote des citoyens et que le monde aurait été plutôt étonné si la voix du peuple le contraignait à démissionner, ou même à influencer quelque décision politique que ce soit ?

 

Extrait de mon autre blog: Chroniques de Thaïlande

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