Le Bouddhisme est-il une religion ?

Article : Le Bouddhisme est-il une religion ?
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30 décembre 2016

Le Bouddhisme est-il une religion ?

Le Bouddhisme est il une philosophie ou une religion ? C’est la question que beaucoup se posent, à commencer par moi. Je ne me considère absolument pas comme un spécialiste de la question. Je ne suis ni théologien, ni historien, ni même bouddhiste. La seule ouverture que j’ai eu au Bouddhisme me vient des quelques cours donnés par une sœur catholique à la fac de théologie d’Angers, à des vidéos YouTube de Mathieu Ricard que je regarde au petit déjeuner pour me mettre de bonne humeur et aux réflexions et attitudes des gens qui m’entourent en Asie. Je ne prétends donc pas ici faire une analyse avancée du Bouddhisme contemporain en Asie. Je tente simplement  de mettre des mots sur mes réflexions personnelles.

 

Comme toute religion, le Bouddhisme crée du lien entre les hommes

Étymologiquement, le mot « religion » vient du latin « religare » qui signifie « relier ». L’objectif d’une religion est de relier des hommes entre eux et d’organiser leurs rapports sociaux. Personne n’a sa propre religion. On la partage avec d’autres. C’est ce qui la distingue de la simple croyance, de la philosophie ou encore d’un ami imaginaire.

Une religion est avant tout un groupe auquel on appartient ou non, soit par tradition, soit par choix personnel, soit même parfois par obligation. Elle est une caractéristique identitaire. Lorsque l’on demande à quelqu’un s’il est de telle ou telle religion, il peut généralement répondre par oui ou par non. Fait est de constater que la plupart des personnes que je rencontre en Asie se disent bouddhistes et ne me considèrent pas comme tel. Elles ont d’ailleurs bien raison. Je ne me considère pas non plus comme étant bouddhiste.

Mais le seul fait que l’on se voit et que l’on voit l’autre comme faisant partie ou non du « groupe des bouddhistes » montre que l’on n’est plus dans une simple considération philosophique. On parle d’identité, de ce que l’on est et pas simplement de ce que l’on pense. Nous ne sommes donc pas là dans une dimension uniquement philosophique. « Être bouddhiste » en Asie n’est pas uniquement une manière de penser comme « être cartésien, existentialiste ou humaniste ». Il s’agit d’une identité, de l’appartenance à un groupe, avec ses codes, ses hiérarchies, ses lieux de recueillement et même son économie.

Photo @somwang
Dans certains pays (ici au Myanmar), devenir moine est le meilleur moyen pour les enfants les plus pauvres de recevoir une éducation

En réalité, je pense que chaque courant « religieux » présente deux dimensions :

Une première dimension de réflexion autour d’écrits et d’enseignements, de développement personnel, de recherche de sens. Il s’agit d’un travail psychique intense, important. C’est certainement ce que beaucoup appellent « philosophie ». La « philosophie » du Bouddhisme invite au dénuement, à la perception de l’impermanence des choses, à la conscience, à la méditation et à la concentration. En réalité, un chrétien, un hindouiste ou un athée pourraient très bien réfléchir sur ces questions sans se rendre dans un temple bouddhiste.

Une deuxième dimension de chaque religion est sociale, sociétale, politique même. Appartenir à un groupe religieux (celui des bouddhistes ou n’importe quel autre), c’est s’identifier culturellement, respecter des rites, vénérer une cosmologie et suivre des règles communes. C’est identifier qui fait partie du groupe ou qui n’en fait as partie. Les personnes membres d’une même religion ont souvent les mêmes repères, la même notion de ce qui est bien ou mal ou de la manière d’appréhender son corps et celui des autres, de savoir ce qui est pur ou impur, ce que l’on doit montrer ou au contraire cacher. Tout cela n’a rien de philosophique. Il s’agit d’un ensemble de règles communément admises qui favorisent le vivre ensemble. Cette réalité existe dans les bouddhismes. Elle s’exprime de manière différente et à des degrés divers selon les pays, mais on ne peut pas le nier.

Cette organisation des sociétés autour du fait religieux peut produire le pire comme le meilleur. Si l’appartenance religieuse a été utilisée de tous temps pour justifier des conflits armés sur fond de tensions ethniques, territoriales ou économiques, comme c’est encore le cas au Moyen Orient ou au Myanmar, l’organisation des sociétés autour de la religion est souvent synonyme de solidarité envers les plus précaires, les plus pauvres, les personnes menacées. Historiquement, les temples, églises et mosquées ont souvent été un refuge pour les plus vulnérables.

Source: https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/4/4b/Barack_Obama_with_the_14th_Dalai_Lama_in_the_Map_Room_2011.jpg
Le Dalaï Lama est une personnalité hautement politique – ici avec Barack Obama en 2011

 

Le Bouddhisme, une philosophie devenue une religion comme les autres

Comme beaucoup, j’ai été très surpris en arrivant en Thaïlande que certains considèrent comme le pays « le plus bouddhiste au monde », de voir à quel point la société était hiérarchisée, consumériste, clanique, bien loin de l’idée de dénuement volontaire que je m’en faisais. J’ai été très surpris de la marchandisation du bon karma et des liens étroits entre nationalisme et cultes bouddhiques.

Avec le recul, je pense que d’une philosophie, certains peuples d’Asie ont créé une religion, ou plutôt des religions. Je pense qu’il existe deux formes de bouddhismes très distincts : un bouddhisme philosophique qui peine à subsister dans un monde de plus en plus mercantile, qu’il est difficile d’observer tant il agit dans la plus grande intimité, à des degrés divers, et un bouddhisme religieux, avec ses statuts, ses parades, ses donations, ses bonnes œuvres, son folklore, ses représentants, ses doctrines et ses divisions. Ce dernier n’est pas à blâmer. Il n’est pas à nier non plus. Comme toute religion, il est une création humaine avec ses réussites et ses travers. En fait, je pense que le Bouddhisme est devenu avec le temps une religion comme une autre !

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